Votre diagnostic vient de tomber tel le coup de marteau du juge sur son pupitre. Vous ressentez un mĂ©lange inconfortable de sentiments contradictoires : soulagement, colĂšre, tristesse, amertume… Comment naviguer votre nouvelle rĂ©alitĂ© post-diagnostic ? Et quelle valeur a ce diagnostic, vraiment ?
Table des MatiĂšres
Le Choc du Diagnostic
Il est normal de ressentir des Ă©motions trĂšs fortes suite Ă un diagnostic et il faut parfois un certain temps avant d’arriver Ă traiter ces nouvelles informations. Souvent, aprĂšs le choc initial, la premiĂšre chose qu’on ressent c’est le soulagement – en particulier si le diagnostic a tardĂ© Ă venir.
Mais ensuite peuvent venir d’autres Ă©motions beaucoup moins agrĂ©ables : la colĂšre, la tristesse, l’amertume – voire la peur, en particulier s’il s’agit d’une condition incurable comme la psychose.
Il y a une finalitĂ© aussi, un chapitre qui se ferme : on ne cherche plus, on sait. Peut-ĂȘtre qu’on le soupçonnait depuis longtemps, d’ailleurs, mais lĂ , c’est officiel. Et ça fait toute la diffĂ©rence.
Ces Ă©motions sont normales et saines. Vous avez tout Ă fait le droit d’ĂȘtre triste ou en colĂšre, ou d’avoir peur devant un avenir incertain, devant cette nouvelle donnĂ©e qui change tout. Ne restez pas Ă porter ce fardeau seul, sans soutien. De nombreux thĂ©rapeutes peuvent vous accompagner – n’hĂ©sitez pas Ă faire appel Ă eux.
Redéfinir son Identité : Qui Suis-Je Maintenant ?
Certains diagnostics peuvent changer toute notre perception de nous-mĂȘme. Est-ce qu’on est toujours la mĂȘme personne ? Quel avenir est possible, maintenant ? En plus de revoir notre prĂ©sent et avenir, on peut aussi avoir tendance Ă voir notre histoire de vie autrement. Notre perception de nous-mĂȘme change, et ce n’est pas Ă©vident.
Certains voudront tout simplement Ă©viter la question complĂštement, faire semblant que rien ne change, le temps de digĂ©rer en arriĂšre-plan l’information. D’autres au contraire, vont penser qu’à ça, rejoindre tous les groupes de soutien, et en faire presque l’intĂ©gralitĂ© de leur identitĂ©. C’est normal – il faut du temps pour gĂ©rer. Peut-ĂȘtre la clef, c’est simplement d’accepter que ce diagnostic fait partie de votre identitĂ©, sans l’Ă©clipser totalement. Une partie de vous, plus ou moins importante, mais pas tout. Vous ĂȘtes plus que votre diagnostic.
Cette information implique Ă©galement des considĂ©rations socio-professionnelles, car les troubles mentaux sont encore lourdement stigmatisĂ©s dans la sociĂ©tĂ©. Il est souvent plus prudent de rester discret. Cette stigmatisation peut d’ailleurs ĂȘtre profondĂ©ment intĂ©riorisĂ©e, et ça peut ĂȘtre terriblement difficile d’accepter qu’on a un trouble mental, ou tout autre diagnostic, d’ailleurs. Au-delĂ de notre perception de nous-mĂȘme, il y a notre perception de notre valeur en tant qu’ĂȘtre humain mĂ©ritant amour et respect qui peut prendre un sacrĂ© coup.
Pourtant, un diagnostic n’est qu’une Ă©tiquette, mĂȘme si ça reprĂ©sente une rĂ©alitĂ© psychique et si ça implique un traitement plus ou moins long. Vous ĂȘtes vous, vous ĂȘtes plus que ce papier, que vos symptĂŽmes et vos soins. Et vous mĂ©ritez d’ĂȘtre aimĂ©, d’ĂȘtre respectĂ©, et d’avoir un avenir.
Avoir un accompagnement peut vraiment soulager et permettre de faire de l’ordre dans tout ça. Avec le temps, ce diagnostic peut devenir simplement une information parmi d’autres sur qui vous ĂȘtes – une information importante, mais qui ne vous dĂ©finit pas. Au final, c’est vous qui dĂ©cidez de votre nouvelle identitĂ©.
Le Deuil du Diagnostic Tardif
Un sentiment qui est trĂšs frĂ©quent, c’est le deuil devant un diagnostic qui arrive tard, beaucoup trop tard peut ĂȘtre, aprĂšs des annĂ©es d’errances mĂ©dicales, de souffrances, et d’erreurs de traitement.
Ce deuil s’accompagne souvent de colĂšre et d’amertume tout Ă fait lĂ©gitime face Ă l’injustice de tout ce temps, cet argent et cette Ă©nergie perdus, de ces opportunitĂ©s manquĂ©es, et peut-ĂȘtre mĂȘme devant un parcours de vie profondĂ©ment altĂ©rĂ©. C’est normal de ressentir tout ça – vous avez Ă©tĂ© lĂ©sĂ©. La seule façon de traverser ces Ă©motions c’est de les vivre pleinement, et de laisser le temps faire son travail, si possible accompagnĂ© d’une Ă©coute professionnelle bienveillante. Il s’agit d’un deuil lĂ©gitime – le deuil de la personne que vous auriez pu ĂȘtre, de la vie que vous auriez pu avoir avec le bon diagnostic, et l’aide dont vous aviez besoin dĂšs le dĂ©part.
L’Impact sur ses proches
Un diagnostic ne vous affecte pas seulement vous – il a aussi un impact sur vos proches. Et malheureusement, leurs rĂ©actions ne sont pas toujours celles qu’on aurait pu espĂ©rer. La rĂ©alitĂ©, c’est que vos proches vont aussi devoir traverser leurs propres tempĂȘtes Ă©motionnelles face Ă cette nouvelle rĂ©alitĂ©.
On peut observer des phĂ©nomĂšnes de dĂ©ni, souvent liĂ©s Ă la culpabilitĂ© d’avoir peut-ĂȘtre minimisĂ© votre souffrance auparavant, ou simplement Ă la peur de l’inconnu. On remet en question le diagnostic, on essaie de dissuader de suivre un traitement⊠Ce sont des rĂ©actions normales mais pas moins pĂ©nibles pour autant. Vos proches sont en deuil, en particulier si votre diagnostic implique des soins Ă vie. De plus, certains troubles mentaux sont hĂ©rĂ©ditaires, ce qui peut ĂȘtre trĂšs effrayant s’il y a des enfants⊠ou rĂ©vĂ©lateur. On se rappelle soudainement de la tante ou de la grand-mĂšre dont on ne parle jamais mais qui avait bizarrement des symptĂŽmes similaires, ce qui peut rajouter une nouvelle couche de culpabilitĂ© et de rĂ©actions toxiques.
C’est dĂ©jĂ difficile de se gĂ©rer soi-mĂȘme. Ce n’est pas votre responsabilitĂ© de gĂ©rer les autres. Soyez comprĂ©hensif, mais priorisez-vous.
Trouver sa communautĂ© sans s’isoler
Devant des proches qui peuvent avoir du mal Ă comprendre, on peut se tourner vers les communautĂ©s en ligne de personnes ayant le mĂȘme diagnostic. Il y a de nombreux bienfaits, car au-delĂ de se sentir compris, les membres peuvent ĂȘtre trĂšs actifs et il y a un rĂ©el partage d’information, de conseils, d’Ă©tudes rĂ©centes⊠bref : ça redonne de l’espoir. On n’est plus seul, on a un avenir ! Participer Ă la communautĂ© peut Ă©galement redonner un sens Ă sa vie, si on avait l’impression de ne plus en avoir.
Mais ne vous isolez pas de vos amis ou de votre famille : ils ne sont pas « autre », ils n’ont tout simplement pas votre diagnostic. Offrez-leur la possibilitĂ© d’ĂȘtre inclus dans votre nouvelle communautĂ©, dans votre nouvelle identitĂ© : ils pourraient vous surprendre. Et essayez d’ĂȘtre tolĂ©rants s’ils ne s’y intĂ©ressent pas plus que ça. Vous ĂȘtes plus que votre diagnostic, et on ne peut pas forcĂ©ment tout partager avec tout le monde. Cherchez ce qui vous unit, et non pas ce qui vous sĂ©pare.
Et si ce n’Ă©tait pas le bon diagnostic ?
Parfois, ce n’est pas du soulagement que l’on ressent face Ă son diagnostic, mais plutĂŽt de la frustration. Vous pensiez avoir enfin des rĂ©ponses, mais quelque chose cloche. Le traitement ne fonctionne pas, ou vos symptĂŽmes ne correspondent pas vraiment Ă ce qu’on vous a dit. Vous avez l’impression qu’on ne vous a pas Ă©coutĂ©, en particulier si vous ĂȘtes une femme, une personne marginalisĂ©e.
La rĂ©alitĂ©, c’est que les erreurs de diagnostic sont frĂ©quentes, avec des Ă©tudes montrant des taux d’erreur allant de 30 Ă 90% selon les troubles et le contexte ! Entre les biais culturels, les biais du genre, la complexitĂ© des symptĂŽmes, et le manque de temps des professionnels, le premier diagnostic n’est souvent pas le bon.
Un diagnostic n’est pas une rĂ©vĂ©lation prophĂ©tique. Vous avez le droit de le remettre en question. Par contre, soyez attentif Ă vos ressentis. Si vous vous retrouvez Ă faire du « shopping de diagnostic », vous ĂȘtes peut-ĂȘtre tout simplement dans le dĂ©ni.
Comment naviguer le systÚme médical
Certains diagnostics sont plus difficiles Ă obtenir que d’autres, et c’est courant de perdre confiance dans le systĂšme mĂ©dical, voire d’en ĂȘtre profondĂ©ment dĂ©goutĂ© ou traumatisĂ©. Comment continuer Ă recevoir des soins quand la relation de confiance patient-mĂ©decin a Ă©tĂ© dĂ©truite ?
Si vous avez subi des violences mĂ©dicales, et si vous avez dĂ©veloppĂ© une phobie Ă cause de ça, vous n’ĂȘtes pas seul. L’iatrophobie (peur des mĂ©decins), touche environ 3% de la population, et la mĂ©fiance envers le systĂšme mĂ©dical est de plus en plus documentĂ©e. Avoir un accompagnement professionnel pour surmonter cela peut aider, mais ne change rien Ă la rĂ©alitĂ© objective de la maltraitance mĂ©dicale, du manque d’empathie des soignants, et de l’Ă©go surdimensionnĂ© et bien connu des mĂ©decins.
Il est important d’ĂȘtre acteur de sa maladie, d’ĂȘtre responsable de soi-mĂȘme, et d’avoir effectuĂ©, si nĂ©cessaire, un travail sur soi pour arriver Ă faire face et oser dire non Ă une personne en position d’autoritĂ©. Un mĂ©decin est un ĂȘtre humain. Il fait des erreurs. Et il a l’obligation lĂ©gale de vous respecter.
Le Droit de Choisir
Vous avez le droit de refuser tout traitement mĂ©dical, quel qu’il soit, et mĂȘme si votre mĂ©decin n’est pas d’accord. Le mĂ©decin n’a pas le droit de refuser de vous soigner, tout au plus, aprĂšs avoir fait sa crise, il doit vous rediriger vers quelqu’un d’autre. Exigez le respect : vous ĂȘtes malade, vous n’ĂȘtes pas une sous-merde.
Vous avez aussi le droit d’ĂȘtre pleinement informĂ© avant de prendre toute dĂ©cision – sur les effets secondaires, les alternatives, et les risques. Et le mĂ©decin ne doit pas essayer de vous imposer quoi que ce soit, ni vous menacer, ou vous intimider, car cela s’appelle la coercition mĂ©dicale, et c’est illĂ©gal. Le mĂ©decin doit respecter le consentement libre et Ă©clairĂ© de son patient.
Tout comme vous avez le droit de dire non Ă un traitement, vous avez Ă©galement le droit de l’accepter, et ça, peu importe ce qu’en pense vos proches. Souvent, l’idĂ©e des effets secondaires et les prĂ©jugĂ©s que l’on peut avoir sur ces traitements angoissent profondĂ©ment la famille qui ont peur de vous perdre, de perdre la personne qu’ils connaissent et qu’ils aiment. Et dans certaines situations toxiques, ils peuvent avoir peur de perdre le contrĂŽle qu’ils ont sur vous. Essayez de vous rappeler que vous avez le droit de vous soigner car vous ĂȘtes celui qui vit avec vos symptĂŽmes et vos souffrances, et non les autres.
Et finalement, vous avez aussi le droit de vous tromper. Peut ĂȘtre qu’en fin de compte, prendre le traitement, c’Ă©tait la bonne chose Ă faire. Ou qu’au contraire, les effets secondaires Ă©taient insupportables et votre famille avait raison. Vous avez le droit de changer de traitement, de l’arrĂȘter, ou de commencer par le refuser, puis de l’accepter par la suite. Vous pouvez aussi vous donner un dĂ©lai de rĂ©flexion. Il ne s’agit pas de faire une lobotomie. Un traitement peut s’arrĂȘter Ă tout moment, mĂȘme s’il faut parfois ĂȘtre accompagnĂ© par mĂ©decin pour Ă©viter des effets de sevrage trop importants. Donnez le vous le droit Ă l’erreur, et dĂ©tendez vous.
Conclusion
Votre diagnostic est juste une information, pas une condamnation : vous n’ĂȘtes pas marquĂ© au fer rouge. Votre mĂ©decin peut vous accompagner, mais il ne vit pas Ă votre place : c’est vous qui ĂȘtes responsable de votre vie et de votre traitement. Alors il est temps de devenir votre propre expert, et d’arrĂȘter d’attendre qu’on vous dise quoi faire. Vous ĂȘtes bien plus que votre diagnostic, alors n’en ayez pas peur et surtout, ne le laissez pas vous dĂ©finir !
Sources
Stigmatisation des troubles mentaux :
- Seeman, N. et al. (2016) – EnquĂȘte mondiale sur 596 712 rĂ©pondants de 229 pays montrant que « 7% Ă 8% des rĂ©pondants des pays dĂ©veloppĂ©s ont approuvĂ© l’affirmation que les individus avec une maladie mentale Ă©taient plus violents que les autres » et que « seulement 7% croyaient que la maladie mentale pouvait ĂȘtre surmontĂ©e » Lien
Bénéfices des communautés en ligne :
- Naslund, J.A. et al. (2016) – Revue documentant les bĂ©nĂ©fices des communautĂ©s en ligne pour les personnes avec des troubles mentaux, notamment en termes de connectivitĂ© sociale et de lutte contre la stigmatisation Lien
Erreurs de diagnostics :
- Bradford, A. et al. (2024) – Revue complĂšte dans BMJ Quality & Safety documentant des taux d’erreur significatifs en santĂ© mentale Lien
- Ayano, G. et al. (2021) – Ătude dans un hĂŽpital psychiatrique spĂ©cialisĂ© montrant 39,16% d’erreurs de diagnostic pour les troubles psychiatriques sĂ©vĂšres, confirmant que la problĂ©matique est globale mĂȘme dans les centres spĂ©cialisĂ©s Lien
Biais de genre et populations marginalisées :
- Garb, H. N. (2021) – Revue dĂ©montrant des biais significatifs de race et de genre dans le diagnostic psychiatrique Lien
Peur des médecins :
- Newbury, J. (2019) – EnquĂȘte sur 379 participants montrant que 19,6% rapportent une peur des mĂ©decins et 46,3% ressentent des Ă©motions nĂ©gatives avant les rendez-vous mĂ©dicaux Lien
- David Yusko, directeur clinique du Centre pour le traitement et l’Ă©tude de l’anxiĂ©tĂ© de l’UniversitĂ© de Pennsylvanie, estime que l’iatrophobie affecte environ 3% de la population.
Manque dâempathie des mĂ©decins :
- Ayers, J.W. et al. (2023) – Ătude dans JAMA Internal Medicine montrant que les rĂ©ponses de ChatGPT Ă©taient prĂ©fĂ©rĂ©es Ă celles des mĂ©decins dans 78,6% des cas et jugĂ©es 9,8 fois plus empathiques, rĂ©vĂ©lant un dĂ©ficit majeur d’empathie chez les mĂ©decins Lien