Bon, vous savez ce qui ne va pas – officiellement ou pas, d’ailleurs – mais maintenant, vous avez un autre problème : il y a plein de thĂ©rapies diffĂ©rentes et vous ne savez pas laquelle choisir.
Au-delĂ de l’alliance thĂ©rapeutique et de la compĂ©tence individuelle de chacun, certaines conditions ont des traitements de rĂ©fĂ©rence bien Ă©tablis, tandis que d’autres demandent une approche plus personnalisĂ©e, car deux personnes peuvent avoir le mĂŞme problème mais pour des raisons totalement diffĂ©rentes.
Cet article vous propose des pistes claires pour trouver le professionnel adapté à votre situation.
Table des Matières
Travaillez si possible avec un spécialiste
De façon gĂ©nĂ©rale, la meilleure chose Ă faire, et de loin, c’est de trouver quelqu’un qui aura les compĂ©tences spĂ©cifiques pour vous aider. DĂ©jĂ pour l’expĂ©rience, car cette personne aura l’habitude de travailler avec votre condition. Mais aussi pour l’efficacitĂ©. Quelqu’un qui s’est spĂ©cialisĂ© dans votre problĂ©matique est censĂ© en connaĂ®tre les tenants et aboutissants. Il connaĂ®t les techniques qui fonctionnent, et il se tient probablement Ă jour des nouveaux dĂ©veloppements sur la question.
MĂŞme pour les conditions très courantes comme la dĂ©pression ou l’anxiĂ©tĂ©, un spĂ©cialiste reste plus efficace qu’un gĂ©nĂ©raliste. Le problème, c’est que les spĂ©cialistes sont souvent difficiles Ă trouver car ils ont des listes d’attente plus longues, sont potentiellement plus chers, et il n’y en a pas forcĂ©ment dans votre rĂ©gion. Mais si vous en trouvez un, et qu’il vous est accessible, je vous recommande vraiment de travailler avec lui.
Pour la neurodivergence, il faut impĂ©rativement choisir quelqu’un formĂ© sur la question, car ce n’est pas une pathologie mais c’est une diffĂ©rence. Votre cerveau fonctionne autrement et vous avez besoin de quelqu’un qui comprend cela et qui vous aide Ă naviguer un monde qui n’est pas fait pour vous. La majoritĂ© des problèmes dont souffrent les personnes neuroatypiques viennent d’une suradaptation Ă un monde de neurotypiques. Un spĂ©cialiste comprend bien cette distinction, et vous aidera Ă dĂ©velopper des stratĂ©gies qui vous sont adaptĂ©es, Ă vous, et Ă votre cerveau.
Il en va de mĂŞme pour les personnes qui font partie de la communautĂ© LGBTQ+ : vĂ©rifiez que votre thĂ©rapeute est LGBTQ+ friendly et qu’il comprenne les difficultĂ©s spĂ©cifiques au fait de naviguer un monde qui vous est souvent hostile.
Certaines conditions ont des traitements établis
Depuis le temps qu’on essaie de trouver des solutions concrètes et efficaces Ă nos problèmes psychiques, et bien on a quand mĂŞme pu voir que certaines conditions avaient des traitement qui leur Ă©taient particulièrement adaptĂ©s.
Les traumatismes
On a commencĂ© Ă sĂ©rieusement Ă©tudier les traumatismes depuis la première guerre mondiale, face aux dĂ©gâts psychologiques terribles qu’elles avaient laissĂ©s aux soldats survivants. Aujourd’hui, grâce aux avancĂ©es de la neuroscience, on sait que le traumatisme est un dĂ©règlement du système nerveux très important, et que c’est pour cette raison que les thĂ©rapies basĂ©es sur la parole sont souvent inefficaces pour les traiter.
La version la plus « simple » d’un Ă©tat traumatique, c’est le PTSD (le fameux syndrĂ´me de stress post-traumatique). Ça survient suite Ă un Ă©vĂ©nement traumatique unique, contrairement aux PTSD complexes, et aux troubles dissociatifs, qui sont dues Ă des traumatismes rĂ©pĂ©tĂ©s et/ou qui durent dans le temps et qui endommagent, voire qui fractionnent carrĂ©ment le moi (notre self).
Il faut impĂ©rativement choisir un thĂ©rapeute « trauma-informé », c’est-Ă -dire quelqu’un qui connaĂ®t l’effet du traumatisme sur le système nerveux. Pour traiter un PTSD (simple), on sait dorĂ©navant que certaines approches sont beaucoup plus efficaces que d’autres, notamment :
- Le Brainspotting
- L’EMDR
- Le Neurofeedback
Le Brainspotting est actuellement LA thĂ©rapie de pointe pour les problèmes d’ordre traumatique. Il est plus efficace que l’EMDR et moins protocolaire, cependant, c’est plus difficile de trouver un thĂ©rapeute qui pratique le Brainspotting car on est beaucoup moins nombreux. L’EMDR reste le plus connu, et mĂŞme s’il convient beaucoup moins aux personnes ayant des troubles dissociatifs, c’est une thĂ©rapie très efficace, tout comme le Neurofeedback. Ces approches travaillent directement avec le système nerveux. En cas de PTSD complexe ou de troubles dissociatifs, il faut une approche pluridisciplinaire ou un spĂ©cialiste car le processus de guĂ©rison est plus long.
⚠️ Important : Les TCC et la psychanalyse traditionnelle ne sont pas efficaces pour traiter la PTSD.
Le deuil
Il y a de nombreuses sortes de deuil, mais ceux qui nous intĂ©ressent ici sont le deuil dit « normal », et ceux qui sont « compliquĂ©s » ou « traumatiques ». Bien que ces deux derniers aient Ă©tĂ© longtemps considĂ©rĂ©s comme diffĂ©rents, le deuil compliquĂ© est aujourd’hui considĂ©rĂ© similaire au deuil traumatique et ainsi la meilleure approche tient compte de la dimension nerveuse.
Si vous avez vĂ©cu un deuil, et que vous avez besoin de soutien, un psychanalyste saura crĂ©er un espace pour vous ou vous pourrez simplement vous exprimer et ĂŞtre Ă©coutĂ© dans votre souffrance. Si vous vous rendez compte que vous n’arrivez pas Ă passer Ă autre chose, et/ou que vous avez des symptĂ´mes traumatiques comme des flashbacks ou des cauchemars, vous avez besoin de traiter le problème au niveau du système nerveux, avec l’EMDR, le Brainspotting ou le Neurofeedback. Rien ne vous empĂŞche de cumuler les deux, d’ailleurs, histoire de bĂ©nĂ©ficier des deux approches.
Le trouble de la personnalité borderline
Le trouble de la personnalitĂ© borderline est un trouble complexe qui nĂ©cessite une approche qui lui est adaptĂ©e. Aujourd’hui, la thĂ©rapie la plus efficace qui existe pour cette condition c’est la thĂ©rapie comportementale dialectique (TCD), qui a Ă©tĂ© conçue pour ça.
C’est une approche qui combine :
- des techniques cognitivo-comportementales
- des approches d’acceptation et de pleine conscience
- des stratĂ©gies d’efficacitĂ© interpersonnelles
- des stratégies de régulation émotionnelle face à la détresse.
Elle est actuellement le seul traitement empiriquement validĂ© pour le trouble borderline, et contrairement Ă d’autres approches, elle intègre Ă la fois une approche non-stigmatisante oĂą les Ă©motions intenses des borderline sont reconnus comme des rĂ©ponses adaptatives (pas de « manipulation » ou de « recherche d’attention »), mais Ă©galement l’enseignement de changements comportementaux positifs pour gĂ©rer les Ă©motions intenses et bâtir des relations saines.
Il faut aussi savoir que la comorbiditĂ© entre TDAH et trouble borderline est frĂ©quente (jusqu’Ă 34% des adultes avec TDAH ont les deux diagnostics), ce qui complique le diagnostic et le traitement. Étant donnĂ© que 70% des personnes borderline ont subi des traumatismes dans l’enfance, il est crucial que votre traitement prenne en compte cela et que votre thĂ©rapeute soit trauma-informĂ©, et si possible, formĂ© Ă l’EMDR, au brainspotting ou au neurofeedback.
Le problème des « conditions-symptômes »
La dĂ©pression, les troubles anxieux et les troubles alimentaires sont des « conditions-symptĂ´mes », c’est-Ă -dire qu’ils sont bien souvent symptomatiques de quelque chose d’autre, et pour pouvoir les traiter efficacement, il faut savoir de quoi.
Examinons les cas suivants :
SĂ©verine : Elle consulte car elle se sent très anxieuse depuis son accident de voiture, et fait des crises de panique dès qu’elle prend le volant. Elle sursaute au moindre bruit, et dors mal. Elle a Ă©tĂ© diagnostiquĂ©e avec un trouble anxieux, mais en rĂ©alitĂ© il s’agit d’un traumatisme qui se manifeste de cette façon car son système nerveux est suractivĂ© depuis cet Ă©vĂ©nement. C’est donc une thĂ©rapie trauma-informĂ©e qu’il lui faut, et non pas de la TCC.
Marc : Il a toujours Ă©tĂ© un garçon qui « s’inquiĂ©tait pour tout », mais ça c’est aggravĂ© quand il a commencĂ© Ă croire qu’il devait ĂŞtre parfait sinon ne pourrait pas ĂŞtre aimĂ©. Il n’arrive plus Ă entreprendre le moindre projet car la possibilitĂ© d’un Ă©chec est trop risquĂ©e. Ici, il a besoin de changer ses croyances et ses pensĂ©es et une thĂ©rapie structurelle comme la PNL serait l’approche idĂ©ale. Les TCC pourraient aussi l’aider.
Elise : Après avoir eu une enfance très difficile ou elle a subi des violences Ă©motionnelles importantes, elle est hyper vigilante dans ses relations, et guette systĂ©matiquement le moment oĂą elle se fera rejeter. Elle n’arrive pas Ă faire confiance Ă ses propres perceptions de la rĂ©alitĂ©, et se sent anxieuse en permanence. Ici, c’est une thĂ©rapie qui tient en compte les liens d’attachements qu’il lui faut, comme la psychanalyse. Elle pourrait Ă©galement bĂ©nĂ©ficier de PNL, pour changer ses croyances limitantes, ou de brainspotting ou d’EMDR, pour Ă©ventuellement traiter des Ă©motions difficiles ou des traumatismes.
Il s’agit donc de trois personnes anxieuses, mais qui le sont pour des raisons complètement diffĂ©rentes, et qui ont donc besoin d’approches qui diffèrent aussi. Traiter l’anxiĂ©tĂ© de SĂ©verine avec des TCC serait aussi inefficace que traiter celle de Marc avec de l’EMDR. Et il en va de mĂŞme pour la dĂ©pression et les troubles alimentaires, bien que ce dernier demande une approche spĂ©cialisĂ©e et probablement pluridisciplinaire car ils impliquent souvent des aspects mĂ©dicaux et nutritionnels supplĂ©mentaires.
Quand il faut une approche pluridisciplinaire
Certaines conditions nĂ©cessitent de combiner le savoir faire de plusieurs professionnels, comme la psychose, par exemple, ou le trouble bipolaire. Par exemple, travailler avec un psychiatre pour avoir des traitements pharmaceutiques adaptĂ©s, mais Ă©galement avec d’autres thĂ©rapeutes pour avoir du soutien et de l’Ă©coute, ou pour rĂ©gler des problèmes d’ordre traumatique ou relationnel.
Le burnout et les troubles alimentaires ont aussi besoin de cette approche pluridisciplinaire, bien que consulter un spĂ©cialiste dans la question reste l’idĂ©al. Et il va de mĂŞme si vous avez la malchance d’avoir plusieurs problèmes Ă traiter, comme le PTSD couplĂ© Ă une dĂ©pression, ou un TDAH accompagnĂ© d’un trouble anxieux.
Finalement, dans le cas de traumatismes graves, de PTSD-complexe, de troubles dissociatifs importants, et Ă dĂ©faut de trouver un spĂ©cialiste avec qui travailler, combiner une approche trauma-informĂ©e (EMDR, Brainspotting, etc.) et une thĂ©rapie de soutien (psychanalyse ou autre) est l’idĂ©al pour retrouver un système nerveux rĂ©gulĂ© et sa qualitĂ© de vie.
Conclusion
Choisir un thĂ©rapeute, c’est compliquĂ©, mais j’espère qu’avec cet article vous aurez plus de facilitĂ© pour prendre une dĂ©cision, et obtenir l’aide ou le soutien dont vous avez besoin.
Rappelez-vous, trouver le thĂ©rapeute qui vous convient peut prendre du temps, et c’est normal. Un spĂ©cialiste reste votre meilleure option quand c’est possible, mais quelqu’un de compĂ©tent et Ă l’Ă©coute peut aussi faire des merveilles s’il sait ce qu’il fait. L’important, c’est que cette personne comprenne ce que vous vivez et sache vous accompagner avec bienveillance et humilitĂ©.
Enfin, gardez Ă l’esprit que vos besoins peuvent Ă©voluer avec le temps. C’est tout Ă fait normal d’avoir besoin de changer d’approche en cours de route, de tester d’autres thĂ©rapies, ou mĂŞme de carrĂ©ment changer de thĂ©rapeute selon votre Ă©volution. La guĂ©rison n’est pas une chose linĂ©aire – parfois on pense avoir rĂ©glĂ© quelque chose, mais ça revient car il faut le travailler plus profondĂ©ment. Ă€ d’autres moments, traiter un problème en fait remonter d’autres Ă la surface. Ça peut ĂŞtre terriblement frustrant, et on peut avoir l’impression de ne pas avancer (voire de reculer), mais c’est normal, et ça veut dire tout le contraire !
La santĂ© mentale, c’est plus un voyage qu’une destination, et vous mĂ©ritez de trouver le bon accompagnement. Alors prenez la en main : n’ayez pas peur de vous renseigner et faites-vous confiance, car mĂŞme si vous vous trompez, au pire ça sera juste un dĂ©tour.
Sources
Le traumatisme et le système nerveux :
- Van der Kolk, B. (2014) – The Body Keeps the Score: Brain, Mind, and Body in the Healing of Trauma – Ouvrage de rĂ©fĂ©rence dĂ©montrant comment le traumatisme altère fondamentalement le système nerveux et ses mĂ©canismes de rĂ©gulation
Traitement du traumatisme :
- Corrigan, F.M. & Hull, A.M. (2015) – Étude montrant que « les patients avec de nombreux troubles basĂ©s sur le traumatisme ne sont pas bien servis par les thĂ©rapies existantes et abandonneront souvent le traitement Ă un stade prĂ©coce » Lien
- D’Antoni, F. et al. (2022) – Étude comparative contrĂ´lĂ©e montrant que « les scores SUD associĂ©s Ă l’EMDR, au BSP et au BSM ont significativement diminuĂ© de prĂ©- Ă post-intervention » avec « l’EMDR et le BSP montrant des scores SUD significativement plus bas que le BSM et le contrĂ´le aux Ă©valuations post-intervention et de suivi » Lien
- Masson, J. et al. (2017) – Étude de cas d’une victime de l’attentat du Bataclan montrant que, « comparĂ© Ă notre longue expĂ©rience de l’EMDR (près de 10 000 sĂ©ances entreprises), le BSP induit un traitement en profondeur de la mĂ©moire traumatique plus rapidement et cela est gĂ©nĂ©ralement vĂ©cu moins douloureusement qu’avec l’EMDR : accès rapide Ă un encodage somatique de l’information dysfonctionnelle, un effet le plus souvent ressenti dès la première sĂ©ance » Lien
Le deuil compliqué et le deuil traumatique :
- Rosner, R. (2015) – Revue montrant que les termes « deuil compliqué » et « deuil traumatique » dĂ©crivent des syndromes similaires, bien que chaque terme mette l’accent sur des aspects spĂ©cifiques Lien
Sur le trouble de la personnalité Borderline
- Weiner L, Perroud N, Weibel S. (2019) – Revue montrant que la comorbiditĂ© Ă vie entre TDAH et trouble borderline Ă©tait de 33,7% dans la population TDAH comparĂ© Ă 5,2% dans la population gĂ©nĂ©rale Lien
- May JM, et al. (2016) – Étude confirmant que « la TCD est actuellement le seul traitement empiriquement soutenu pour le trouble borderline » Lien
- Goodman, M., et al. (2002) – Revue montrant que les individus avec trouble borderline ont des taux significativement plus Ă©levĂ©s d’abus sexuels dans l’enfance que les patients non-borderline, avec des estimations allant de 40% Ă 70% pour le BPD Lien