Quand on souffre, c’est normal de vouloir que ça s’arrĂŞte, et le plus vite possible. On cherche tous la solution de facilitĂ©, et pourquoi pas ? Il n’y a aucune raison d’avoir mal pour rien. Mais le problème c’est que parfois, cette souffrance a une fonction. Parfois c’est un message important qu’il faut Ă©couter. Et quand on se prĂ©cipite vers les mĂ©dicaments pour anesthĂ©sier la douleur sans se poser de questions, on peut passer Ă cĂ´tĂ© de quelque chose d’important.
⚠️ Important : Les informations suivantes ne constituent pas des conseils médicaux, ce sont juste les informations que votre médecin est censé vous donner.
Table des Matières
Comment est-ce qu’on en est arrivĂ© lĂ ?
Il est tout Ă fait lĂ©gitime de critiquer la psychiatrie pour ses dĂ©rives passĂ©es et prĂ©sentes, dĂ©rives qui sont bien documentĂ©es Ă travers l’histoire. Mais il faut cependant comprendre que la psychiatrie est apparue pour rĂ©pondre Ă une demande rĂ©elle et urgente, c’est-Ă -dire la prise en charge des « malades mentaux » de notre sociĂ©tĂ©.
La rĂ©alitĂ©, c’est que l’humain est tristement prĂ©visible : face Ă la diffĂ©rence, il maltraite. Une personne qui devenait dĂ©rangeante sous l’effet de la psychose, de la manie ou de la paranoĂŻa devait ĂŞtre maĂ®trisĂ©e, pour ne pas dĂ©ranger, et l’Ă©tait souvent de façon monstrueuse. EnchaĂ®nĂ©s, sĂ©questrĂ©s, battus et tourmentĂ©s, ces personnes subissaient le mĂŞme sort partout dans le monde, souvent jusqu’Ă la mort, loin de l’image romantique du « fou du village » aimĂ© de sa communautĂ©.
Il faut noter aussi que les asiles existent depuis le Moyen Ă‚ge, mais que c’Ă©tait de vĂ©ritables prisons pour « fous » comme Bedlam en Angleterre. D’ailleurs, le fait que le mot bedlam existe encore aujourd’hui en anglais courant, et veut dire tumulte, vacarme, chaos total, montre bien que l’horreur de ces endroits n’a pas Ă©tĂ© totalement oubliĂ©e. C’est seulement Ă la fin du XVIIIe siècle, sous l’influence des idĂ©es des Lumières, que les mĂ©decins ont eu l’idĂ©e rĂ©volutionnaire que ces institutions pourraient rĂ©ellement soigner plutĂ´t que simplement contenir.
L’idĂ©e Ă©tait prometteuse, mais en l’espace d’un siècle, la demande a explosĂ© : entre 1800 et 1904, les États-Unis sont passĂ©s de quelques centaines de patients Ă 150 000. Cette explosion s’explique en partie par une Ă©pidĂ©mie de neurosyphilis (5-20% de la population avait la syphilis, dont 6% dĂ©veloppent des troubles psychiatriques), l’augmentation de l’alcoolisme et des changements sociaux importants : lĂ oĂą avant la famille se chargeait de ses anciens et de ses malades, elle prĂ©fĂ©rait dĂ©sormais les envoyer Ă l’asile. Les mĂ©decins devaient gĂ©rer 300-400 patients chacun au lieu des 20-30 prĂ©vus initialement et l’asile psychiatrique se transforma en entrepĂ´t humain.
Il est facile de parler de maltraitance, et c’est sans doute factuel. Mais la rĂ©alitĂ©, c’est que la majoritĂ© des patients dans ces lieux Ă©taient rĂ©ellement malades – beaucoup finissaient d’ailleurs par mourir lĂ -bas. Les autres ne pouvaient tout simplement pas rejoindre la sociĂ©tĂ© car ils avaient perdu tout contact avec la rĂ©alitĂ©. Ça explique en partie l’acharnement thĂ©rapeutique des psychiatres qui essayaient dĂ©sespĂ©rĂ©ment de trouver une solution : hydrothĂ©rapie avec bains glacĂ©s, thĂ©rapie par rotation, saignĂ©es massives, purgatifs violents, lobotomies et Ă©lectrochocs…
Et cela explique aussi leur immense soulagement quand ces trois dĂ©couvertes ont rĂ©volutionnĂ© la psychiatrie : le lithium en 1949, qui calme efficacement les Ă©pisodes maniaques ; la chlorpromazine en 1952, qui fait disparaĂ®tre les hallucinations et dĂ©lires des psychotiques ; et l’imipramine en 1957, le premier antidĂ©presseur capable de sortir les patients de leur mĂ©lancolie profonde. Ces mĂ©dicaments transforment les services psychiatriques du jour au lendemain : la psychiatrie possède enfin des outils efficaces contre la maladie mentale, et les patients les plus gravement atteints ont enfin un traitement qui amĂ©liore sensiblement leur qualitĂ© de vie.
Mais ce succès pharmaceutique a eu des consĂ©quences inattendues. Les psychiatres ont peu Ă peu oubliĂ© l’aspect humain de leur travail. Plus besoin de passer du temps Ă Ă©couter et rassurer un malade quand cinq minutes suffisent pour vĂ©rifier une ordonnance et gĂ©rer le dosage. Cette transformation du psychiatre en simple prescripteur, couplĂ©e Ă l’Ă©norme pouvoir qu’ils dĂ©tiennent toujours aujourd’hui (celui d’enfermer les gens contre leur volontĂ© et de leur imposer des traitements) a dĂ©clenchĂ© dans les annĂ©es 60 un mouvement de rĂ©volte massive contre la psychiatrie.
Ironiquement, ce mouvement n’avait pas complètement tort. MĂŞme s’il se trompait en niant l’existence des maladies mentales graves et de leurs souffrances, il avait vu juste sur un point essentiel : la pathologisation excessive de l’expĂ©rience humaine. Cette rĂ©volte existe encore aujourd’hui sous d’autres formes : les mouvements sur les rĂ©seaux sociaux, les communautĂ©s prĂ´nant les alternatives, les groupes d’aide au sevrage mĂ©dicamenteux. Mais au moins, il y a beaucoup moins cette tendance Ă nier l’existence des maladies graves.
Par la suite, les laboratoires pharmaceutiques, ayant dĂ©couvert un marchĂ© extrĂŞmement lucratif, ont financĂ© les recherches nĂ©cessaires pour Ă©largir les dĂ©finitions des troubles mentaux. Le manuel diagnostique des psychiatres (DSM) passe de 180 troubles en 1968 Ă 297 en 1994 (chiffre qui ne fait d’ailleurs qu’augmenter), souvent sous l’influence de campagnes de lobbying plutĂ´t que de preuves scientifiques rĂ©elles. Pourtant, est-ce que la mĂ©dicalisation systĂ©matique de l’expĂ©rience humaine est vraiment la solution ?
Le problème avec les médicaments
Si vous allez chez le psychiatre, il vous prescrira certainement un ou plusieurs des médicaments suivants :
Les antidépresseurs
En cas de dĂ©pression sĂ©vère, ces mĂ©dicaments peuvent rĂ©ellement sauver des vies. Si vous n’arrivez plus Ă vous lever le matin, ils permettent de retrouver assez d’Ă©nergie pour arriver Ă fonctionner et potentiellement trouver d’autres solutions. Et mĂŞme s’il y a un effet placebo important, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas un vrai soulagement.
Le problème c’est que la dĂ©pression c’est un peu plus compliquĂ© que cette histoire de « dĂ©sĂ©quilibre chimique » qui Ă©tait surtout du marketing. On parle aujourd’hui d’inflammation, de traumatisme, de gĂ©nĂ©tique, d’environnement… tout est liĂ©. Et les effets secondaires du mĂ©dicament sont minimisĂ©s : problèmes sexuels chez la majoritĂ© des personnes, prise de poids, anesthĂ©sie Ă©motionnelle… L’arrĂŞt est Ă©galement bien plus compliquĂ© qu’on le dit.
Les benzodiazépines
RĂ©ellement efficace en cas de crise de panique ou d’anxiĂ©tĂ© majeure, ça peut donner un rĂ©pit nĂ©cessaire le temps de trouver d’autres solutions.
Le souci, c’est que trouver ces « autres solutions » prend souvent des mois, voire des annĂ©es, et avec les benzodiazĂ©pines, la dĂ©pendance s’installe en quelques semaines, et le sevrage est souvent pire que le problème initial. Ă€ long terme, la mĂ©moire et la concentration sont endommagĂ©es, et chez les seniors, le risque de dĂ©mence augmente.
Les antipsychotiques
Indispensables pour la psychose, la schizophrĂ©nie, les Ă©pisodes maniaques sĂ©vères, les antipsychotiques (ou neuroleptiques) permettent aux gens ayant ces troubles de retrouver leur luciditĂ©, et d’avoir une vie Ă peu près normale.
Le problème c’est qu’aujourd’hui, on les prescrit pour tout et n’importe quoi : dĂ©pression « rĂ©sistante », enfants « agitĂ©s », personnes âgĂ©es « difficiles »… Un patient sur cinq dĂ©veloppe des mouvements involontaires permanents, la dyskinĂ©sie tardive. Les nouveaux antipsychotiques sont dĂ©crits comme Ă©tant plus sĂ»rs, mais en rĂ©alitĂ© ils ont juste des effets secondaires diffĂ©rents.
Les rĂ©gulateurs d’humeur
Le lithium reste un des rares mĂ©dicaments psychiatriques avec des preuves solides d’efficacitĂ© pour les troubles bipolaires. Il peut vraiment stabiliser les Ă©pisodes maniaques et dĂ©pressifs.
Le problème c’est sa toxicitĂ© : il faut surveiller rĂ©gulièrement les reins et la thyroĂŻde. Les autres rĂ©gulateurs sont en fait des antiĂ©pileptiques : on ne sait pas vraiment pourquoi ça marche, et les effets secondaires varient selon la molĂ©cule.
Les somnifères
Si ça fait une semaine que vous ne dormez plus, on ne peut pas nier leur efficacitĂ© : ils sont lĂ pour vous faire dormir, et c’est ce qu’ils font.
Alors c’est quoi le problème ? L’accoutumance : il faut souvent augmenter les doses pour conserver leur efficacitĂ©, et ils peuvent entraĂ®ner une dĂ©pendance importante sans rĂ©gler le problème. L’arrĂŞt peut Ă©galement provoquer une insomnie rebond souvent pire que l’insomnie initiale.
Les problèmes systémiques des traitements médicaux
Il faut savoir que la plupart des mĂ©dicaments ne sont testĂ©s que durant quelques semaines ou mois avant d’ĂŞtre approuvĂ©s, alors que beaucoup de patients vont les prendre pendant des annĂ©es. On ne sait donc qu’après coup quels seront les effets Ă long terme. De plus, beaucoup de ces mĂ©dicaments sont prescrits « hors indication » – c’est-Ă -dire pour des troubles pour lesquels ils n’ont pas Ă©tĂ© testĂ©s (comme les anti-Ă©pileptiques pour les troubles bipolaires). C’est complètement lĂ©gal, mais ça veut dire que vous ĂŞtes essentiellement un cobaye.
Et pour finir, la moitiĂ© des patients en psychiatrie prennent au moins deux mĂ©dicaments Ă la fois – on appelle ça la polypharmacie, et ce cocktail mĂ©dical devient vite imprĂ©visible. Les interactions sont largement inconnues parce que les Ă©tudes ne testent pas les combinaisons, et de toute façon, les mĂ©decins de façon gĂ©nĂ©rale ignorent ou ne prennent pas en compte ces interactions.
⚠️ Important : Les psychiatres prescrivent facilement les psychotropes, mais ont tendance Ă minimiser Ă quel point c’est difficile de les arrĂŞter ou d’en diminuer les doses. Pour des informations sur le sevrage progressif, consultez Le Manuel de Sevrage des Psychotropes par Psychotropes.Info et SoutienBenzo, disponible gratuitement en ligne.
La pathologisation du quotidien
La psychiatrie tente de mĂ©dicaliser les expĂ©riences humaines normales. Il y a l’intĂ©rĂŞt financier bien sĂ»r, mais je pense aussi qu’il s’agit d’une mentalitĂ© interventionniste, profondĂ©ment mal Ă l’aise avec les Ă©motions difficiles, tout comme notre culture occidentale qui ne sait que les fuir, les rĂ©primer, ou les anesthĂ©sier. Dans le cas de la neurodivergence, il s’agit tout simplement d’une pathologisation dĂ©complexĂ©e de la diffĂ©rence.
C’est normal d’ĂŞtre triste lorsqu’on est en deuil, ou d’ĂŞtre angoissĂ© devant l’instabilitĂ© politique, Ă©conomique et Ă©cologique du monde actuel. Ne vous laissez pas Ă©tiqueter pour tout et n’importe quoi. Vous ĂŞtes un ĂŞtre humain avant tout, et un diagnostic n’a de l’intĂ©rĂŞt que s’il vous aide ou permet d’amĂ©liorer votre qualitĂ© de vie. Sinon, c’est juste une façon de catĂ©goriser l’humain, une tentative de gĂ©rer l’angoisse et de contrĂ´ler la diversitĂ© et l’imprĂ©visible de la vie.
De plus, nous commençons tout juste Ă nous rendre compte Ă quel point le système nerveux influence notre façon d’agir et de penser quand il est dĂ©rĂ©glĂ© suite Ă des Ă©vĂ©nements difficiles. C’est sans aucun doute l’avenir de la psy, car cela nous oblige Ă regarder la pathologie sous un autre angle : ce n’est pas une maladie mentale que d’avoir une rĂ©action nerveuse normale face Ă une situation qui ne l’est pas.
Le traitement idĂ©al : l’approche holistique
Avant tout : éliminez les causes physiques les plus courantes
Avant toute consultation avec un psychiatre, je vous recommande de demander une prise de sang Ă votre gĂ©nĂ©raliste pour vĂ©rifier que vous n’avez pas un souci physique qui imite des symptĂ´mes psychiatriques.
Analyses de sang Ă demander avant une consultation psy
- Bilan thyroïdien : TSH, T3, T4 (Attention : les médecins prescrivent souvent seulement la TSH. Demandez explicitement T3 et T4 pour avoir une image complète de votre fonction thyroïdienne)
- Vitamines : B12, B9 (acide folique), D
- Minéraux : Magnésium, calcium
- Bilan métabolique : Glycémie à jeun, Indice de HOMA (insulinorésistance), fonction rénale et hépatique
- Ferritine (anémie)
- Hormones : Cortisol, testostérone/œstrogène selon le sexe
Autres causes physiques à éliminer : Apnée du sommeil, maladies auto-immunitaires, infections chroniques, effets secondaires de traitement médicaux…
L’importance de l’interprĂ©tation des rĂ©sultats
Faites attention aussi aux rĂ©sultats. Les mĂ©decins ont tendance Ă ne jamais s’inquiĂ©ter de rien, tant que les rĂ©sultats sont “dans les normes”. Ce manque de nuance dans l’interprĂ©tation peut laisser passer des signaux faibles importants pour le patient. Un taux de ferritine techniquement « normal » n’est pas forcĂ©ment « optimal », et peut quand mĂŞme vous faire sentir fatiguĂ© et dĂ©primĂ©. Il est possible que vous ayez besoin d’un taux plus Ă©levĂ© pour vous sentir bien. Heureusement que l’internet et l’intelligence artificielle sont lĂ pour vous aider Ă bien vĂ©rifier de vous-mĂŞme ce qu’il en est… Pour une approche plus complète, vous pouvez aussi consulter un naturopathe ou un nutritionniste qui sauront vous dire exactement quelles analyses demander Ă votre mĂ©decin et comment les interprĂ©ter correctement.
Vérifiez votre hygiène de vie
Dormir assez, et ĂŞtre attentif Ă la qualitĂ© de votre sommeil, surveiller votre alimentation, bien s’hydrater, avoir une activitĂ© physique rĂ©gulière et limiter votre taux de stress… c’est 90% d’une bonne hygiène de vie. Si vous ne dormez pas assez, que vous ĂŞtes trop fatiguĂ© pour faire du sport et que vous survivez sur des plats Ă emporter depuis des mois toute en gĂ©rant un boulot difficile et stressant, c’est assez normal de vous sentir mal, et le mĂ©decin pourra prescrire ce qu’il veut, ça aura une efficacitĂ© limitĂ©e au mieux.
Pensez à faire une thérapie
Nos relations peuvent nous porter tout comme elles peuvent nous détruire. De même, notre histoire qui nous a aidé à nous construire peut être une grande source de détresse si elle nous a laissé avec une façon de voir le monde problématique. Faire une thérapie appropriée pour gérer nos deuils passés ou présents, pour traiter nos traumatismes, et revoir notre rapport aux autres et à nous même est la façon la plus efficace de sortir de problématiques psychiques sans forcément passer par la case pharmaceutique.
Un outil parmi d’autres
Dans l’idĂ©al, il faudrait voir la prise de mĂ©dicament comme un outil de soin parmi bien d’autres tout autant importants, un dernier recours pour la majoritĂ© des situations, après avoir travaillĂ© sur son hygiène de vie, ses relations, son environnement, et après avoir fait un travail sur soi pour comprendre pourquoi on ne se sent pas bien.
Et c’est pareil si vous souffrez d’un rĂ©el trouble mental ! Il me semble d’autant plus important d’allier le soin mĂ©dical avec tout le reste. Donner des mĂ©dicaments et relâcher les gens dans la nature sans aucune autre forme de suivi me semble ĂŞtre totalement irresponsable, et surtout une solution de facilitĂ© court-termiste.
Quand les médicaments ont leur place
Les pathologies qui nécessitent un traitement pharmaceutique
En cas de psychose – en particulier la schizophrĂ©nie – et malgrĂ© les effets secondaires, ces mĂ©dicaments sont indispensables, car sans eux, vous risquez d’ĂŞtre incapable de gĂ©rer votre vie au quotidien sans soins 24h/24. Pour les troubles bipolaires, le lithium est très efficace et permet de prĂ©venir les Ă©pisodes maniaques ou dĂ©pressifs, et pour la dĂ©pression sĂ©vère, pris ponctuellement, les antidĂ©presseurs peuvent littĂ©ralement sauver des vies.
Il y a des pathologies qui nécessitent un réel traitement pharmaceutique. Si votre problème altère sensiblement votre qualité de vie, et que les médicaments permettent de soulager votre souffrance, il ne faut pas hésiter.
Une peur qui revient souvent, c’est la peur de la dĂ©pendance. Et c’est une peur lĂ©gitime, car ce n’est pas Ă©vident d’accepter que vous pouvez avoir besoin de mĂ©dicaments sur le long terme. C’est un deuil Ă faire, pour commencer. Mais n’oubliez pas : vous ĂŞtes dĂ©jĂ dĂ©pendant. Vous dĂ©pendez d’air, d’eau, de sommeil, de nourriture, de liens humains, de la sociĂ©tĂ©. La dĂ©pendance fait partie de la vie. Alors, une chose de plus ou de moins, est-ce vraiment si grave que ça ? Ce qui compte, c’est de vous sentir mieux : vous n’ĂŞtes pas allĂ© consulter pour rien.
Un traitement temporaire
Pour les autres problèmes, c’est une question de pour ou de contre. Vous pouvez prendre un traitement Ă court terme en effectuant un travail psy Ă cĂ´tĂ©. Un peu comme une bĂ©quille. Ça ne veut pas dire que vous allez devoir marcher avec Ă vie.
Quand il n’y a pas d’autre solution
Et finalement, il est peut ĂŞtre impossible pour vous de faire autrement. Nous vivons dans une sociĂ©tĂ© qui crĂ©e souvent les conditions de la dĂ©tresse psychique : prĂ©caritĂ© Ă©conomique, isolement social, surmenage… Parfois, ce n’est pas possible de changer nos circonstances de suite, pour des raisons financières, ou autre. C’est peut-ĂŞtre impossible de bien dormir car vous vivez dans un quartier bruyant et vous ne pouvez pas partir. Changer de travail n’est pas forcĂ©ment Ă la portĂ©e de tous. Et mĂŞme si vous savez que vous avez besoin de consulter, vous n’en avez peut ĂŞtre pas le temps, l’Ă©nergie ou les moyens.
Parfois, la seule solution c’est de prendre des mĂ©dicaments pour supporter. Et c’est comme ça : ce n’est pas de votre faute, vous n’ĂŞtes pas faible, vous n’avez pas « perdu » – vous faites tout simplement de votre mieux pour survivre.
Reprenez le contrĂ´le de votre vie
Alors, que faire finalement, face à un diagnostic, et une prise de médicaments potentielle ?
Rappelez-vous d’abord que vous avez le droit d’accepter ou non un traitement mĂ©dical. La dĂ©cision vous revient, et Ă vous exclusivement. Ne laissez personne vous intimider : c’est vous et vous seul qui devez vivre avec les effets secondaires. Et la coercition mĂ©dicale est illĂ©gale. Un mĂ©decin est dans l’obligation dĂ©ontologique et lĂ©gale de respecter votre consentement libre et Ă©clairĂ©, alors si vous sentez qu’il essaie de vous forcer la main ou qu’il profite de votre vulnĂ©rabilitĂ© et de votre fatigue, changez de mĂ©decin.
Votre mĂ©decin psychiatre est aussi censĂ© vous informer de TOUS les effets secondaires potentiels, des difficultĂ©s de sevrage, du taux de rĂ©ussite du traitement… Mais il aura sĂ»rement du mal, vu qu’une consultation dure en gĂ©nĂ©ral 15 minutes. Heureusement, vous pouvez vous renseigner par vous mĂŞme grâce Ă internet et Ă l’IA. Faites particulièrement attention si vous avez subi un traumatisme, ou si vous ĂŞtes neuroatypique, car les traitements ne sont pas du tout les mĂŞmes.
Renseignez vous vous-mĂŞme sur vos diagnostics, sur les Ă©tiquettes qu’on vous donne et les traitements qu’on vous suggère. Vous seul devez vivre avec la consĂ©quence de vos choix. Et faites vous confiance. Les mĂ©decins n’ont pas de pouvoirs magiques, et malgrĂ© ce qu’ils croient, ils ne savent pas tout et ne vous connaissent pas mieux que vous-mĂŞme. Respectez leur expertise mĂ©dicale, mais croyez en votre propre expertise humaine, en vos ressentis et intuition, et soyez un participant actif dans vos soins, mĂŞme si c’est difficile et que vous ĂŞtes Ă©puisĂ©. Il n’y a personne qui va vous sauver Ă part vous-mĂŞme.
Conclusion
L’approche mĂ©dicamenteuse est devenue la norme parce qu’elle est simple et rapide, mais ne fait que masquer des symptĂ´mes au lieu de guĂ©rir. Pire encore, l’existence mĂŞme de ces solutions pharmaceutiques a créé une mentalitĂ© « remède miracle » : plus besoin de changer son mode de vie, de faire une thĂ©rapie difficile, ou de remettre en question ses relations toxiques quand on peut juste se faire prescrire un cachet. PlutĂ´t de nous encourager Ă reprendre le contrĂ´le de notre vie, elle nous positionne en victimes, dĂ©pendantes d’un système mĂ©dical qui dĂ©courage activement l’autonomie et les remises en question, soumises Ă nos grands « sachants », les mĂ©decins.
Les psychotropes ont pourtant une place dans le soin, mais ne devraient pas ĂŞtre utilisĂ©s de façon systĂ©matique et exclusive. L’humain est un ĂŞtre neuro-biologique complexe, et on est très très loin d’avoir tout compris au cerveau et Ă la santĂ© mentale. La vĂ©ritĂ© c’est que d’ici 50 ans, on regardera en arrière et on sera sĂ»rement horrifiĂ© de la qualitĂ© des soins d’aujourd’hui, tout comme on l’est vis-Ă -vis des traitements passĂ©s. C’est triste, mais c’est aussi merveilleux car ça veut simplement dire que l’on ne s’arrĂŞtera jamais d’innover et de chercher des solutions pour soigner les maladies et pour avoir une meilleure qualitĂ© de vie. Entre temps, il faut simplement faire au mieux, avec les informations et les connaissances que nous avons aujourd’hui.
Sources
Histoire de la psychiatrie :
- Shorter, E. (1997). A History of Psychiatry: From the Era of the Asylum to the Age of Prozac – Livre rĂ©fĂ©rence sur l’histoire de la psychiatrie
Effets secondaires des antidépresseurs :
- Montejo et al. (2001) – Étude multicentrique espagnole, 59,1% de dysfonctions sexuelles Lien
- Williams et al. (2010) – Étude europĂ©enne, taux de 37-61% Lien
- Safak et al. (2025) – Étude rĂ©cente, taux de 84-88% Lien
Difficultés de sevrage :
- Hengartner et al. (2020) – Syndrome de sevrage prolongĂ©, durĂ©e moyenne de 37 mois (jusqu’Ă 166 mois) Lien
- Moncrieff et al. (2024) – 40% des patients ont des symptĂ´mes qui durant plus de 2 ans Lien
- Psychotropes.Info et SoutienBenzo – Le Manuel de Sevrage des Psychotropes – Guide complet sur le sevrage progressif des mĂ©dicaments psychiatriques, disponible gratuitement en ligne Lien
Dépendance aux benzodiazépines :
- Hood et al. (2012) – La dĂ©pendance physique peut se dĂ©velopper en 3-6 semaines mĂŞme Ă doses thĂ©rapeutiques, 40% ont un sevrage modĂ©rĂ© Ă sĂ©vère après 6+ mois d’usage Lien
- Lader (2011) – Revue sur la dĂ©pendance aux benzodiazĂ©pines et les difficultĂ©s de sevrage Lien
Dommages cognitifs des benzodiazépines :
- Barker et al. (2004) – MĂ©ta-analyse montrant des dĂ©ficits cognitifs persistants après sevrage, pas de rĂ©cupĂ©ration complète dans les 6 premiers mois Lien
- Crowe & Stranks (2018) – MĂ©ta-analyse actualisĂ©e sur les effets cognitifs rĂ©siduels Ă moyen et long terme Lien
- Zetsen et al. (2022) – 20,7% des utilisateurs long-terme classĂ©s comme ayant des troubles cognitifs, effets les plus importants sur la vitesse de traitement et l’attention soutenue Lien
Risque de démence chez les seniors :
- He et al. (2019) – MĂ©ta-analyse montrant un risque accru de dĂ©mence (51% de risque accru) chez les utilisateurs long-terme de benzodiazĂ©pines Lien
- Wu et al. (2023) – Revue de 5 mĂ©ta-analyses, toutes montrent une corrĂ©lation (38-78% de risque accru) mais la relation de causalitĂ© reste incertaine Lien
Somnifères :
- Soldatos et al. (1999) – MĂ©ta-analyse montrant le dĂ©veloppement de tolĂ©rance et d’insomnie rebond avec les hypnotiques Ă Ă©limination rapide Lien
Durée des essais vs utilisation dans le monde réel :
- Ward et al. (2025) – Analyse systĂ©matique montrant que la durĂ©e mĂ©diane d’utilisation des antidĂ©presseurs aux États-Unis est d’environ 5 ans, tandis que la durĂ©e mĂ©diane des essais est de 8 semaines ; 88,5% des essais durent ≤12 semaines et aucun ne dĂ©passe 52 semaines Lien
Polypharmacie :
- Mojtabai & Olfson (2010) – Étude nationale amĂ©ricaine montrant que les visites avec 2 mĂ©dicaments ou plus sont passĂ©es de 42,6% en 1996-1997 Ă 59,8% en 2005-2006, et les visites avec 3 mĂ©dicaments ou plus de 16,9% Ă 33,2% Lien
Dyskinésie tardive :
- Carbon et al. (2018) – MĂ©ta-analyse montrant que « 20% des sujets sous traitement par antipsychotiques de seconde gĂ©nĂ©ration prĂ©sentaient au moins une dyskinĂ©sie tardive lĂ©gère » et que la prĂ©valence globale est de 25,3% Lien
Lithium :
- Shine et al. (2015) – Étude de cohorte sur 500 000 individus montrant que « le traitement au lithium est associĂ© Ă un dĂ©clin de la fonction rĂ©nale, Ă l’hypothyroĂŻdie et Ă l’hypercalcĂ©mie » avec un risque accru de maladie rĂ©nale chronique de stade 3 (HR 1,93) et d’hypothyroĂŻdie (HR 2,31) Lien